Maman, j’aurais préféré rater l’avion !

Chers internautes,

Selon vous, quel serait le comble pour la grande voyageuse que je suis devenue il y a de cela un an ? Ne plus avoir de mascara juste avant une sortie sportive à scooter ? Non, je ne suis pas si superficielle que je ne le laisse croire. Ne pas avoir de connexion internet pendant une nuit à camper dans la jungle ? Non plus, cessez de me croire si faible. Se faire voler son sac sur une plage du Cambodge ? Arf, non,  j’ai fini par bien comprendre qu’il ne fallait pas être si matérialiste et que la terre était peuplée de chenapans et que contre toute attente, il fallait bien s’y faire.

Non, non, non, il ne s’agit rien de tout ça. En réalité, il est question ici de quelque chose de beaucoup plus profond, de beaucoup plus anxiogène et qui aurait pu sérieusement entraver cette envie de voyager. Et pour celles et ceux qui me connaissent le mieux, vous savez à quel point il est très pénible pour moi de…

PRENDRE L’AVION

Ça y est c’est dit et à l’heure où j’ai commencé à réfléchir à tout ceci, nous étions sur la piste de décollage pour Sydney ! Puis, 5 mois plus tard, j’ai continué ma réflexion sur ce billet en m’apprêtant à embarquer dans un avion retardé de 5h à cause de conditions climatiques. Et à croire que l’article tout entier eut un mal de chien à débarquer, c’est enfin en sécurité à la maison, un an après mon départ, que dans la charmante maison familiale de Flo dans le sud-ouest de la France, j’ai enfin décidé d’en terminer avec cet essai. Et après avoir pris 12 fois l’avion cette année, me voilà enfin fin prête à en discuter « un petit peu ».

Dans la plupart des cas, (je vais vous la faire courte), lorsque j’évoque ma peur de l’avion, certains ressentent le besoin apparemment incompressible de mettre leurs lunettes et de me dire (sur un ton pseudo sérieux moqueur) : « non mais tu sais Arou, l’avion c’est le moyen de transport le plus sûr au monde, t’as plus de probabilités de mourir en conduisant ton scooter au Laos que de mourir dans un crash aérien ».

Ce à quoi j’adore penser répondre : « Merci Jean-George, une fois, quand j’étais jeune, j’ai étudié le principe des probabilités et malgré mon QI de littéraire, je comprends donc bien le caractère irrationnel de cette phobie. Et bien que je ne douterai jamais de ta précocité intellectuelle, il y a des choses qui ne se justifient guère.  »

Oui, chers pro de la proba et de la rationalité scientifique, il est fort agréable pour les gens comme moi, avec des ressentis humains incompréhensibles, d’avoir parfois affaire à des individus dotés d’un peu d’empathie et d’intelligence sociale. Nous, les simples d’esprit, croyons, peut-être un peu naïvement en notre simple… Malchance.

Ah oui ! C'est beau de prendre l'avion !

Ah oui ! C’est beau de prendre l’avion !

Symptomatologie

Quelqu’un qui souffre d’une peur irrationnelle de l’avion se repère assez facilement : malgré ses vaines tentatives de passer inaperçu, il transpire, murmure des prières ou un testament imaginaire en silence, agrippe son voisin ou son accoudoir avec une force de titan à chaque mouvement suspicieux de l’appareil, et parfois… Pleure. Poussé à l’extrême, ce même individu sortira de l’appareil juste avant le décollage en hurlant à plein poumons qu’il ne peut plus prendre ce vol car il vient d’avoir une prémonition où l’appareil explosait 5 minutes après le décollage (ça vous rappelle un truc ?).

Pour dire vrai et en ce qui me concerne, depuis quelques années, il semblerait que j’ai développé ce qu’on décrit comme une phobie de l’avion et je dois reconnaitre qu’il n’y a plus un vol que je prends sans verser une petite larme (ou beaucoup plus). Ballot pour une voyageuse dans mon genre !

En plus donc des symptômes physiques qui traduisent votre malaise et qui vous accompagne tout au long des moments délicats d’un vol, il faut se battre avec des idées de peur de mort imminente et atroce qui surviennent à chaque secousse.
Bref, pour résumer, prendre l’avion se révèle souvent éprouvant et épuisant pour quelqu’un qui a les choquottes des sensations fortes…

Mon avion est en carton

Mon avion est en carton

Origines

A la question : « Pourquoi ? », j’aurais tendance à vous répondre que je ne sais pas vraiment ou aurais tendance à vous énumérer tout un panel d’explications possibles sur la raison du comment j’en suis arrivée là.

– L’absence de tout contrôle sur la situation… qui ferait de moi une personne rigide incapable de faire confiance.

– Le manque d’éducation scientifique sur le fonctionnement d’un objet aérien… qui ferait de moi une parfaite ignorante de la science contemporaine.

– L’ignorance de la pensée scientifique (qui rejoint la raison précédente) qui prône la théorie du rationnel… qui ferait de moi un individu qui base ses croyances sur la superstition et les croyances magiques erronées. Ah bon, je suis comme ça moi ?!

Ou comme me demanderait ma prof d’espagnol de La Paz : « toi qui es psychologue, tu penses que cette peur de l’avion est due à quoi ? Un traumatisme particulier ? ». Ce à quoi, moi, l’arroseuse arrosée, n’a pas su vraiment répondre; et encore moins en espagnol.

Cependant, pour simplifier tout ça, si j’ai bien compris une chose, c’est que cette peur se comprend par deux éléments bien précis :

– Le risque zéro n’est qu’un mythe, une hérésie que même les scientifiques reconnaissent. En d’autres termes, peu importe qu’il y ait 99,99% de chance que le vol arrive à destination, il existe bien un infime 0,01% qui pourrait mal finir.

– L’idée de mourir dans d’atroces souffrances n’a jamais constitué un rêve de grande réussite.

Donc, à la même image que votre coeur s’emballe quand la belle dame de la télé annonce les numéros gagnant du loto, mon coeur à moi s’emballe aux simples secousses d’une zone de turbulences.

Bref, « pourquoi pas moi », conclurais-je !

Et pour expliquer l’entière raison de cet article, ceci me suffit.

Dis maman, les petits bateaux savent-ils voler ?

Dis maman, les petits bateaux savent-ils voler ?

Aéroport de Rurrenabaque, Bolivie

Aéroport de Rurrenabaque, Bolivie

 

Des solutions docteur ?

Pour les plus handicapés par cette situation, plusieurs solutions s’avèrent imaginables :

– Arrêter de prendre l’avion,

– Entreprendre un des stages d’Air France à 500€ pour lutter contre la peur de l’avion, oui appelez ça de l’éducation thérapeutique bien trop chère,

– Ou du même acabit, des psychothérapies comportementales qui vous entrainent à vous confronter à vos peurs jusqu’à en être désensibilisés.

Avant d’entamer ce voyage, je me suis fait la promesse de ne jamais laisser cette phobie m’empêcher de réaliser mon rêve. En l’absence de foi à l’idée d’entamer une vraie cure de soin usant de professionnels tous plus attentionnés et bienveillants les uns que les autres, j’ai usé de méthodes dont le seul but était de me détendre pour rendre les vols moins pénibles…

Au départ vers Bombay, Inde

Au départ vers Bombay, Inde

Solution numéro 1 : se droguer ou s’alcooliser

Beaucoup de gens, toutes nationalités confondues, toutes cultures confondues, toutes appartenances religieuses confondues, toutes raisons confondues, s’amusent depuis des millénaires à modifier leur état psychologique en usant de produits tous plus ou moins efficaces. Étant très mal en avion, j’ai voulu tenter l’expérience. Attention, rien d’illégal ici !

Dans un premier temps et de nombreuses fois, j’ai opté pour l’anxiolitique à moindre dose. L’effet est très nuancé mais très souvent n’a que très peu d’impact sur mon angoisse. Au mieux, il me fera m’endormir après la grosse peur qu’a suscité le décollage mais n’évitera aucunement les sentiments désagréables. Très souvent, j’ai réussi à obtenir le même résultat sans rien prendre, rien que par le simple fait d’être épuisée par la peur.
En second lieu et pour rendre les choses plus festives, j’ai choisi l’option : petite alcoolisation au vin rouge. L’effet est immédiat et être saoule à plusieurs kilomètres d’altitude est une expérience plutôt marrante… jusqu’à ce que votre peur vous rattrape et que vous vous retrouvez à vous imaginer à devoir gérer un crash aérien et un combat féroce pour votre vie en étant complètement bourrée, c’est-à-dire sans la pleine possession de vos moyens…

Bref, en ces deux solutions, pas de moyen miracle pour se détendre et se soulager.

Tout peut être imaginé pour se détendre

Tout peut être imaginé pour se détendre

Solution numéro 2 : les prières et les rituels

Je ne vous cacherais pas que le vol Rio-Londres et son passage au-dessus de l’Atlantique sud sont assez mouvementés et ont su me maintenir éveillée une bonne partie de la nuit. Oui, les turbulences en quasi-continue… pas vraiment mon fort.

Avant un vol comme celui-ci (ou comme tout autre vol), le phobique irrationnel entreprend tout un tas de rituels automatiques pour tenter de s’apaiser. Une pièce dans la fontaine, une étoile filante qui traverse le ciel, un feu qui passe au rouge au bon moment… tous ces jeux profondément spirituels sont d’autant plus de petites convictions que le vol se déroulera bien. Comment ça c’est ridicule ?

Du même genre, on retrouvera dans les poches et dans le sac du phobique, tout un tas de babioles appelées « porte-bonheur » qui auront pour but principal de le rassurer (dans le jargon, on parle d’objet transitionnel). Breloques, pendentifs, piécette donnée par tante Germaine, porte-clés, poupée vaudou… Dès lors, tout objet, aussi désuet soit-il, peut devenir le Saint Graal et prendre une importance démesurée. Exemple : « il est où mon doudou ? IL EST OU MON DOUDOU !! », hurla Arou, désespérée, les larmes aux yeux.

Une fois l’avion décollé, le truc qui se produit automatiquement sort directement de la bouche du phobique sous forme de murmures qu’on peut distinguer dès lors où on y prête attentivement l’oreille. Et la plupart du temps, ça donne des trucs comme ça : « s’il vous plait, seigneur, seigneur », « je veux pas mourir, je ne vais pas mourir parce que je promets d’aller à l’église tous les dimanches », « oh HAPPY DAYS ! »

C’est sûr que raconter comme ça… c’est sacrément ridicule mais je vous assure que sur place, ça a son petit effet salvateur !

 

Solution numéro 3 : le petit copain ingénieur

Avoir un petit ami avec qui mourir c’est plutôt chouette… euh pardon ! Avoir un petit ami qui peut vous rassurer est apaisant, d’autant plus quand c’est un petit ami qui connait les bases de l’aéronautique et qui est capable de dire sur un ton profondément calme : « Ariane, si l’avion penche, c’est parce qu’il tourne, maintenant, lâche ma main tu me la broies ».

Un conseil mesdames et messieurs, choisissez donc un compagnon intelligent, rationnel et avec assez de force dans la main pour supporter l’agrippement hystérique !

Ne jamais se fier à une Arou souriante

Ne jamais se fier à une Arou souriante

Solution numéro 4 : sauter… de l’avion

Bon la solution numéro 4 rejoint ce dont je parlais plus haut où je mentionnais ces techniques psychothérapeutiques où on vous expose à votre peur pour vous en désensibiliser.

Affronter ses peurs... ne fonctionne pas toujours

Affronter ses peurs… ne fonctionne pas toujours

En deux phrases simplifiées :

–          Ca n’a pas marché.

–          J’ai failli faire pipi dans ma culotte (et optionnellement m’évanouir).

 

Conclusion

Douze vols en douze mois n’auront malheureusement pas fait de moi la jeune femme courageuse et baroudeuse que certains pensent que je suis, ni l’adulte rationnelle, calme et apaisée que je rêve d’être. Cependant, aujourd’hui, un an jour pour jour après avoir entamé mon tour du monde, je suis bien là, bien revenue chez moi, en vie et sacrément fière d’avoir réalisé mon rêve malgré cette plaie qui m’a suivi tout au long de l’année.

Reprendre l’avion ? Peut-être pas pour tout de suite. Aujourd’hui, je préfère me laisser le temps de vivre quelques frayeurs par le cinéma, les impôts qui augmentent ou par la simple recherche d’emploi.

M’enfin… quand on est moi et qu’on est constamment attiré par d’autres endroits… qui sait ?

Et si par le plus grand des malheurs, il arrivait ce qu’il devait arriver, malgré les rituels, les prières, les porte-bonheur, les drogues et les explications rationnelles… au moins, après cette belle année, vous saurez que j’ai eu une belle vie ! Ca va, pleurez pas !

 

 

La bise !

Arou (in the sky)

 

2 Responses to “Maman, j’aurais préféré rater l’avion !

  • oh purée j’en reviens pas que t’ai sauté… j’avais raté cet épisode! mama mia, perso je ne suis pas ultra rassurée en avion sans pour autant être ce qu’on pourrait appeler phobique, disons simplement que le petit verre de vin me fait du bien… 😉 Par contre, JAMAIS je ne pourrais faire un saut en chute libre, JAMAIS! Bref, chapeau bas, et ne t’inquiète pas trop, suis sûre que l’envie de repartir te poussera à reprendre l’avion!

    • Et oui elle a eu l’inconscience le culot de sauter ! Pas sans mal mais c’est ce qu’on appelle prendre le taureau par les cornes !
      Fabienne, ne jamais dire JAMAIS 😉

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