Cambodge – Sihanoukville
Chers internautes,
Après Kratie et la blessure d’Arou, nous avons viré plein sud, direction Sihanoukville, la cité balnéaire de référence du Cambodge où a débuté pour nous la série noire de tout un tas de galères dont on se serait bien passé. Les prochains récits à suivre seront donc d’un ton dramatico-comique et nous permettront enfin de rire de tout ce qui a bien pu nous faire pleurer pendant quelques semaines.
Otres Beach
Pour 14$ chacun, nous avons enchaîné 12h de bus avec une escale de 2h à Phnom Penh et sommes arrivés de nuit, sous la pluie, à Sihanoukville où notre but était de réussir à nous rendre à Otres Beach, la plage la plus éloignée du centre et réputée pour sa quiétude la préservant du tourisme backpacker étouffant.
Au Cambodge, au moins de juin à 19h, il fait nuit et les tuk tuks acceptant de se rendre jusqu’à Otres beach se font assez rares. Beaucoup d’entre eux ont peur de se faire agresser et voler sur le chemin du retour, une fois seul sur leur bolide. Par chance et surtout pour 11$, nous avons été conduit en 20 minutes jusqu’à Wish You Were Here guesthouse, adresse assez populaire d’Otres sur Tripadvisor, tenue par des australiens toujours aussi amicaux.
Une fois sur place, on nous explique qu’un typhon sévit dans les parages, ce qui explique les pluies violentes, et que d’ici peu, tout reviendra à la normale. On nous annonce également le prix de la chambre et on hallucine de devoir payer 12$ pour une chambre double sans salle de bain et avec un trou dans le plafond nous offrant une belle flaque d’eau centrale à contourner. On découvre également des salles de bain communes plutôt sales et nous fuyons dès le lendemain Chez Paou, un ensemble de petits bungalows situés directement face à la mer. Pour seulement 10$ la nuit, nous avons eu notre bungalow, les pieds dans le sable, pendant 5 nuits et 5 jours. Chez Paou est tenue par Guillaume, un français marié à Paou, une cambodgienne assez bavarde avec qui nous avons apprécié échangé quelques mots.
Un gang de petits chiots présent jour comme nuit, une ambiance calme et convivial, un accès directe sur une mer déchaînée en cette période de mousson et de typhon, et voilà la recette de quelques jours de détente où nous vivions chaque éclaircie comme un grand moment de bonheur. Petit hic malheureusement, notre bungalow en bambou et paille avait le petit inconvénient de ne pas être très étanche. En temps normal, ceci n’aurait pas posé de problème mais en temps de typhon… il n’est pas rare que la pluie diluvienne traverse le plafond pour venir s’abattre en petite bruine légère sur… nous en train de dormir. Mais à chaque problème ses solutions… après avoir constaté que déplacer le lit ne changeait en rien cette désagréable sensation de prendre une douche en plein sommeil, la seule solution efficace trouvée fut de faire de nos ponchos de pluie, nos couvertures pour la nuit… et voilà le problème était réglé !
Sur Otres beach, tout est plus cher qu’ailleurs. Nous mangions pour deux fois plus que dans le reste du Cambodge mais nous compensions notre budget à ne rien faire de spectaculaire mis à part écrire, monter des vidéos, dormir et bronzer les rares fois où c’était possible.
La plage est plutôt paisible. Les différentes guesthouses se succèdent le long de la promenade de sable et le seul point assez énervant est l’oppression quotidienne de cette bande de nanas qui proposent sans cesse leurs services pour une épilation, un massage, une manucure, etc. N’hésitant pas à pointer les quelques poils d’une jambe pas très bien épilée en disant « waxing, waxing ! », elles ont cette fâcheuse capacité à ne jamais lâcher leur victime d’une semelle. Certes de quoi agace Arou mais sûrement pas de quoi l’amadouer pour payer un service qu’elle pouvait se prodiguer elle-même. Ce genre de harcèlement avait lieu au moins une fois par jour, encourageant les filles à s’adresser « amicalement » à nous par notre prénom et en nous disant sans cesse « si tu changes d’avis, tu viens me voir, personne d’autre ! » et devant nos refus systématiques, nous avions la sensation de nous adresser à des sourdes qui nous répondaient toujours « ok, demain alors ! ».
Bien sûr, derrière ces démarches, on sentait bien leur propre pression à gagner leur vie et même la présence des différentes mafias omniprésentes qui régissent d’une main de fer Sihanoukville. Mais ceci, nous l’avons surtout ressenti à Serendipity beach, la plage principale de Sihanoukville où, à la même image que Vang Vieng et Done Det au Laos, le sexe, la drogue et la corruption sont pratiques communes.
Serendipity Beach
Après 5 jours sur Otres Beach, nous avons voulu aller découvrir l’autre plage très connue de Sihanoukville : Serendipity Beach située à seulement 5 minutes en tuk-tuk d’Otres (compter environ 5$ (env. 3,90€).
Sans aucune idée de logement, notre tuk tuk nous a déposé devant Family Bungalows qui, n’ayant rien de « bungalow paradisiaque», avait l’avantage de nous offrir une chambre propre et spacieuse avec de vrais murs et… aucun trou au plafond !
Nous sommes donc restés 4 nuits à Serendipity où nous avons profité d’un petit monde beaucoup moins cher qu’à Otres. Ici, nous étions dans un univers totalement différent où le sexe, la fête et la drogue puaient jusqu’à des kilomètres. De nombreux hôtels et commerces se côtoient et le soir le tourisme sexuel s’exprime dans toute sa splendeur aux abords des bars de bord de plage. Hommes occidentaux cinquantenaire en recherche d’affection exotique, accostent de jeunes femmes, parfois bien trop jeunes et déjà très routinières de ce genre de pratiques, pour repartir ensemble à scooter, vers on ne sait où, faire on ne sait quoi…
Et face à des scènes de ce genre que nous avons jugé bien tristes pour l’image de Sihanoukville, c’est le moment du récit que beaucoup d’entre vous attendent depuis des semaines (excusez le différé entre nos récits et notre réalité, nous avons accumulé un petit peu de retard). Voulant profiter d’une journée enfin dégagée après plusieurs jours de pluie, un début d’après-midi, nous sommes sortis pour découvrir les rives de la plage. D’un côté, une plage de sable, bondée de touristes locaux n’ayant aucune conscience de l’environnement et jetant tous leurs détritus au sol. De l’autre, des parcelles désertes perdues entre verdure et rochers qu’il faut escalader, parfait terrain pour les aventuriers que nous sommes. Après une bonne heure de découverte, sur le chemin du retour, nous nous sommes arrêtés dans une petite crique, à l’abri des regards et des passages trop fréquents pour s’asseoir et mettre les pieds dans l’eau. Las, Arou s’assoit sur un rocher et dépose près d’elle son appareil photo réflex ainsi que sa petite sacoche qu’elle transporte depuis un bon moment à cet instant. Flo, quant à lui, s’aventure un peu plus loin dans la mer, marchant jusqu’à avoir les genoux dans l’eau. Puis, en un instant, Arou, qui s’amusait discrètement et modestement à regarder ses pieds (oui, il en faut parfois très peu), se leva brusquement en s’écriant crescendo « Flo, il est où mon sac ? Flo, il est où mon sac ? FLO, IL EST OU MON PUTAIN DE SAC ??!!! » Et voilà que le cher et tendre sac manquait à l’appel. Non, il n’était pas tombé dans l’eau, ni emporté par les vagues. Oui, le très cher sac venait d’être volé par on ne sait quel procédé magique du type « tu me vois, tu me vois plus ». L’instant qui suivit fut l’instant le plus douloureux psychologiquement depuis 4 mois : Arou venait de se faire voler la clé de la chambre, son porte-monnaie (avec environ 60$), sa carte bleue internationale (avec laquelle nous effectuions tous nos retraits) et… son Iphone 4S (représentant toute sa vie virtuelle et sociale).
Premier réflex, courir à la chambre s’assurer que l’enfoiré de fils de sa mère ayant commis ce crime ne soit pas allé finir le mal qu’il avait commencé. Puis, second réflex, appeler le service Visa Premier, non pas pour faire connaissance avec toutes les charmantes conseillères à chaque coupure de Skype, mais afin de faire immédiatement opposition. Enfin après avoir pleuré les dollars perdus qui aurait pu nous payer 6 nuits supplémentaires, il a fallu faire le deuil du smartphone, de l’Iphone, pour lequel bien sûr Arou n’avait fait aucune sauvegarde de données…
Et pourtant, et pourtant… nous étions prévenus de ce genre de pratiques TRES courantes à Sihanoukville. Et pourtant… nous étions toujours prudents et attentifs. Et pourtant… il aura fallu un quart de seconde d’inattention pour ne rien comprendre de ce qu’il se passait. Qui ? Comment ? Pourquoi ? Impossible de répondre à quoi que ce soit.
La fin de séjour a été malheureusement précipitée par cet évènement qui nous a bien dégoûté, et ce n’est pas peu de le dire. Après s’être renseigné sur les procédures administratives à enclencher après ce genre de mésaventure, nous avons appris que cette pratique était si courante qu’en allant au commissariat, on aurait croisé nos compatriotes, tous victimes du même délit : le vol, le vol à l’arraché, le pick-pocket, etc. De plus, et parce que nous avons touché du bout du doigt cette Cambodge corrompue jusqu’à la moelle, nous avons aussi appris que se procurer une déclaration de vol nous aurait coûté environ 100$ de… dessous de table (appelons un chat un chat).
Se sont enchaînées par la suite 24h avec une énorme boule dans la gorge. Pour couronner le tout, les hôteliers nous ont demandé d’un air gêné de payer la clé « perdue », ce à quoi Arou a répondu en souriant « bien sûr, je comprends », et intérieurement pensé « demande à ton cousin le connard qui m’a volé de te rembourser, il devrait y avoir le compte avec tout ce qu’il m’a pris ». Rassurez-vous, derrière toute cette agressivité aux faux échos racistes, s’exprime en fait une grande tristesse…
Plus tard, nous avons appris qu’à Sihanoukville, le pouvoir officieux en place était la mafia russe qui entre vols, trafic de drogues et prostitution, régissait ce petit empire d’une main de fer. Tous se connaissent, tous commercent ensemble et comme partout où la terreur règne, tous se taisent et font profil bas même devant le désarroi de pauvres voyageurs dans notre genre qui n’ont jamais osé voler qui que ce soit. Oui, certes, nous ne crevons pas de faim… mais le russe mafieux non plus, FDP !
Au lendemain, nous avons voulu fuir ! Nous avons donc pris des tickets de bus pour Kep, via notre guesthouse. Prêts à partir à l’heure, à midi, notre bus n’était toujours pas là et nos hôtes nous assuraient que ce dernier n’allait pas tarder. Après trois quart d’heure d’attente, le voilà qu’il avait des petits soucis techniques mais on nous assurait qu’il ne s’agirait que d’un simple retard. Avec un léger petit doute, nous avons attendu près d’une heure et demi jusqu’à ce qu’une voiture (et non pas un bus), oui une voiture banale, oui une voiture type Renault 21, oui une voiture type 5 places pas plus, pas moins, arrive déjà remplie de 6 passagers, pour nous conduire jusqu’à Kep, à 3h de là. Et soudain, une question remplit de désespoir nos cœurs déjà lourds de la veille : « Comment rentrer 4 éléphants dans une voiture ? ». Jugeant cela impossible, Arou commença à dire que ce n’était pas ce qui était convenu et qu’on ne rentrerait jamais nous, ces 6 gens, ainsi que nos backpacks de 17 et 18kg respectifs. Désespérés, les larmes aux yeux, on s’est littéralement laissé faire. La solution était simple : 4 devant, 4 derrière et au diable le confort, au diable la sécurité, au diable que vous en ayez ras la patate de toutes ces conneries… tant que ça rentre.
Nous concentrer sur ce récit aura profondément remué ce très mauvais souvenir qui nous affecte encore aujourd’hui. Cet article se finira donc aussi brusquement que notre séjour à Sihanoukville où feu l’Iphone aura probablement trouvé un nouveau propriétaire tout aussi aimant…
Juin 2013
Otres Beach
Wish you were here Guesthouse : 12$/nuit
Chez Paou : 10$/nuit
Serendipity
Tuk tuk entre Otres et Serendipity beach : 6$ (env. 4,69€)
Family Bungalow : 10$/nuit
Vol du sac d’Arou à Serendipity : env. 645€
Je n’imagine même pas ce que vous avez ressenti…
C’est désolant…
Bon courage